Piégé par la presse
JEUDI 28 AVRIL, ROND-POINT DE LA SOURCE
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Pour Guillaume, TC depuis quinze ans, la journée commençait bien. En sifflotant, il prend le volant de sa voiture aux couleurs de l'entreprise, se réjouissant des couleurs du nouveau logo sur la portière. En s'engageant sur la rocade, il se souvient brutalement qu'il y a aujourd'hui des mouvements de protestation et qu'il risque d'être bloqué. La radio locale le confirme : « Des jeunes agriculteurs viennent d'installer un barrage filtrant au rond-point de la Source. » Bien qu'il n'ait rien contre cette manifestation à laquelle certains de ses clients participent, il n'apprécie pas d'être en retard à son premier rendez-vous. « Zut, j'aurais dû partir un peu plus tôt. » Prenant son mal en patience, il compose le numéro de Jean-Pierre, pour le prévenir. Puis décide de sortir de son véhicule pour s'approcher des manisfestants et voir s'il ne pourrait pas négocier un passage en douceur.
« Monsieur, monsieur, vous êtes bien de la société Approdis ? », entend-il derrière lui. Sursautant, il se retourne et se trouve nez à nez avec une caméra au nom de la télé locale, et le micro d'un journaliste de la radio qu'il écoute. Il sourit et confirme : « Oui, tout à fait, pourquoi ? » « Voudriez-vous nous donner votre sentiment sur le mouvement d'aujourd'hui », demande le journaliste. « Je ne peux parler qu'en mon nom personnel, la situation des agriculteurs est effectivement assez grave alors que leur métier est justement de vous nourrir. »
Mais une autre caméra arrive, cette fois-ci au logo d'une chaîne nationale. « Je ne pensais pas que ça intéresserait le national », dit-il un peu gêné, prêt à remonter dans sa voiture. « N'êtes vous pas responsable de la situation des agriculteurs en tant que fournisseur de produits dangereux pour l'environnement », lance la jeune femme. « Comment ? Dangereux ? Mais de quoi parlez-vous ? se rebiffe-t-il. Les agriculteurs manifestent parce que, vous, les consommateurs des villes, vous refusez de payer le vrai prix pour les aliments. »
Un peu tard, il se souvient de la formation qu'ils ont eu sur la communication. « Vous avez la mort des abeilles sur la conscience », poursuit la journaliste. « Je n'ai rien à vous dire », s'énerve Guillaume en claquant la porte de sa voiture, alors que la caméra continue à tourner.
Yanne Boloh
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